L’Illusionniste est un film d’animation classique de 2010, avec de rares effets de synthèse (qui n’auraient pas été nécessaires). Cadrage généralement de plain-pied, pas de gros plans, rythme plutôt lent. Une introduction en noir et blanc, puis un film plutôt dans les couleurs terre ou gris vert, mais avec des variations de lumières. Codes du cinéma muet. L’illusionniste ne s’appelle pas Tatischeff pour rien, le film est tiré d’un scénario de Jacques Tati qui se voyait jouer ce personnage. Impressionnant travail de gestuelle, physique sur sa personne, que l’on vit vraiment comme étant Tati (un clin d’oeil, dans un cinéma où l’on voit un extrait de « Mon oncle »).
MESSAGES
Historique
Fin des années 50 en Écosse. Découverte historique et géographique : Le début du rock’n’roll, l’apparition de l’électricité dans les contrées perdues et du Juke-box dans les tavernes. On lave encore le linge à la main et la télévision apparaît.
Évolution des métiers
Disparition du music-hall (clown, ventriloque ou illusionniste ont la vie dure et vont tous finir par laisser tomber le métier). Dans un premier temps, l’illusionniste doit partir jouer à l’étranger, dans des petites villes ou des tavernes complètement perdues, dans une garden-party où les gens ne le regardent même pas. Il se retrouve à devoir chercher d’autres emplois, à accepter de jouer à l’illusionniste publicitaire, habillé de rose pour faire apparaître ou disparaître parfums ou soutiens-gorges. Les funérailles d’un monde. Quête identitaire. Comment être soi-même quand le monde autour de nous change.
Importance du relationnel
On va suivre un personnage qui va se transformer au contact de l’autre. Une relation intime entre un homme d’âge mûr et une jeune fille. On va les percevoir comme père et fille (il garde toujours avec lui la photo d’une enfant, certainement sa propre fille). Le besoin de remplir l’absence. Ambiguïté relationnelle. Une relation qui pourrait prêter à confusion (déformation professionnelle) quand, alcoolisé, il décide de rentrer dans sa chambre (il en ressortira aussitôt), où quand il disparaît quand elle commence à fréquenter un jeune homme, on peut aussi imaginer que l’homme a en lui d’autres sentiments qu’uniquement paternel. Une ambiguïté subtile.
Femme dépendante
On peut être pris dans un premier degré où la femme est juste une bonne à tout faire, accrochée à l’homme qui l’entretient et sans qui elle a peu de prise sur le monde réel.
Apparence
Consommation féminine. La femme est ici principalement intéressée par le paraître et a besoin de se faire offrir ce qui l’attire dans les magasins. Les femmes sont attirées par les habits, les cadeaux, elles aiment regarder les jolis produits dans les vitrines. Il ne faut pas confondre magie et société de consommation. Consommation.
Devenir adulte
« Les magiciens n’existent pas » finira-t-il par avouer à sa meilleure admiratrice, en message d’adieu. Certainement parce qu’elle va devoir dire adieu au monde de l’enfance, aux bonbons, son père de substitution va la quitter, maintenant qu’elle a rencontré son bel Apollon, maintenant qu’elle devient femme.
Pauvreté
On nous montre comme il suffit de ne plus avoir de travail pour devenir pauvre. Soucis financier. Difficulté de joindre les deux bouts. Cela peut générer du malaise. Suicide. On voit comme tout peut s’enchaîner, avec état dépressif et motiver au suicide.
Importance du rêve
L’espoir réside peut-être dans le générique de fin, quand on entend une chanson qui reprend les voix de Brel, Piaf, Gainsbourg, pour nous rappeler qu’il y a encore des faiseurs de rêve. Star-système.
Vieillesse
Avec l’âge, on réalise que l’on est d’une autre époque. Retraite.
SCÈNES DIFFICILES
Complexité
Le scénario nous projette dans une histoire qui n’est pas expliquée avec des mots. On ressent les images, et cela peut être compliqué pour les plus jeunes qui auront certainement besoin d’explications pour beaucoup de choses.
Mises en danger
Film mélancolique, avec beaucoup de moments durs. Une scène où Alice va sur la route sans se rendre compte du danger des voitures, on peut l’imaginer se faire écraser. Le clown va se faire rouer de coups par une bande d’enfants.
Tristesse
Les artistes souffrent. Nous découvrons des professions qui ont de la peine à gagner de l’argent (qui se font arnaquer par les autres). Nous découvrirons le personnage du clown dans une scène pathétique où il est prêt à se pendre en écoutant sa musique de cirque. Autant le ventriloque que l’illusionniste vont devoir vendre leur matériel de scène. On retrouvera le ventriloque en mendiant, à moitié inconscient, dans une ruelle où un chien avec les pattes arrière mises sur roulette rend le moment encore plus pesant.
Santé
Des scènes où l’alcool est présent, certainement pour oublier les difficultés. Cigarette aussi bien présente.
Malaise
Les sacrifices de Tatischeff qui n’a pas d’argent, mais qui achète ce que veut Alice pour lui cacher, lui éviter les difficultés de la vie. Une fin sans happy end. L’artiste tire sa révérence comme il semble avoir vécu, seul, en toute discrétion, les lumières s’éteignent les unes après les autres.
Moquerie de l’homosexualité
Le groupe de rock qui vole la vedette à l’illusionniste et qui par-là se rend peu sympathique à nos yeux, est montré adulé par des demoiselles et montrés au naturel à travers des allures d’homosexuels maniérés (légèrement stéréotypant).
VOCABULAIRE
Très peu de dialogues. Des bribes de français (l’illusionniste) ou d’anglais (Alice), quelques baragouinages.
Un film plein de poésie et de mélancolie. Triste et beau. Des thèmes éloignés des préoccupations de votre enfant (enfin, espérons-le), mais c’est tellement rare de voir ce type d’animé que le « sans dégâts » et « âge conseillé » est certainement un peu bas, cela mérite de toute façon un accompagnement. Le film est plutôt pour les adultes, ou les adolescents.
Les films de Jacques Tati sont moins compliqués à voir pour les enfants, Playtime, plutôt complexe, ou la série avec un facteur, Jour de fête, L’école des facteurs. Dans Mon Oncle on retrouve Monsieur Hulot un peu plus vieux. Les plus adapté est Les vacances de Monsieur Hulot.
Ce que disent les autres. Pour FilmAges, l’âge conseillé est 14 ans « Les changements culturels de l’après-guerre voient l’avènement de mouvements artistiques nouveaux, qui marquent la fin des spectacles de music-hall traditionnels. L’histoire d’artistes vieillissants d’un art sur le déclin et qui courent le cachet devant un public fort dégarni est forcément empreinte de nostalgie et de tristesse. Le clown tente même de se suicider. Il faut signaler quelques scènes où les personnages s’alcoolisent fortement et celles où ils fument (ce qui est usuel dans le contexte de l’époque). En évoquant l’irrémédiable passage du temps, l’illusionniste est très clairement destiné aux adultes. En effet, la lenteur du rythme, mais surtout l’atmosphère de tristesse et de désillusion qui émane de ce film, risquent de provoquer l’incompréhension des plus jeunes face à cette histoire de fin d’une époque. Le film a été conçu et réalisé par Sylvain Chomet (Les triplettes de Belleville) d’après un scénario original et inédit de Jacques Tati, écrit entre 1956 et 1959. L’illusionniste est une réussite sur les plans esthétique, musical, culturel et cinématographique. Il constitue un magnifique hommage à Jacques Tati, avec de la tristesse mais aussi de la douceur, de la tendresse, de la poésie et de l’humour (en particulier dans le personnage de la rock star adulée par les fans en délire). »