La Belle et la Bête est un film en noir et blanc de Jean Cocteau de 1946. Étrange générique au début où on voit des hommes écrire sur un tableau le nom des acteurs principaux, puis le clap qui nous informe du tournage du film. Il y a un long texte du réalisateur à lire avant que l’histoire ne commence. Le rythme est plutôt lent, les scènes sont présentées dans deux lieux principaux (la maison du père, la maison du prince), cela peut ressembler à du théâtre. Des effets spéciaux d’époque, et surtout des jeux de lumière qui provoquent une certaine magie. Inspiration visuelle de Vermeer ou Gustave Doré quand c’est du fantastique.

MESSAGES

Famille

On nous montre une famille monoparentale. Un père avec un fils et trois filles. Le père n’est pas protecteur. Il faut quitter sa famille pour aller vivre sa vie. Fratrie. On critique des sœurs qui rabaissent, et on revalorise celle qui est humble et sympathique.

Amour

Ce qui est le plus fort, c’est le regard d’amour. Couple. Évolution des sentiments. Un conte qui nous fait comprendre qu’une femme ne doit pas choisir son homme en fonction de l’apparence. Elle peut être en couple avec une personne plutôt moche, si c’est pour le bien de son père. Avec le temps elle pourra comprendre qu’un moche peut être gentil et même lui procurer une vie d’aisance. Sexualité. L’homme doit se mettre du cadre pour ne pas agresser la femme, il veut maitriser sa bestialité, lui demande de fermer sa porte, on pourrait craindre qu’il ne se maitrise pas. Le passage à la sexualité peut aussi être vu comme le dépassement de la peur, avec les inconnues terrifiantes que sont l’amour ou le sexe, la Belle a besoin de voir autrement cette Bête qui la mange des yeux. « Vous êtes une drôle de petite fille » renverra le prince à Belle quand elle avoue avoir aimé Avenant et la Bête aussi, et qu’elle aime avoir peur avec… lui. Mariage. L’aboutissement d’une relation, c’est d’accepter un mariage, c’est certainement de partager son lit (et ici, la femme qui accepte cela va découvrir que la vie avec un moche ça peut être sympa et nous envoyer au septième ciel, ou dans l’envolée finale du film qui doit être une jolie métaphore de la chose). Confiance. Dans l’amour, on fait confiance à l’autre, on peut mettre sa vie dans les mains de l’autre. C’est la plus grande preuve de confiance que de donner la liberté à la femme (le gant, la clé d’or c’est un peu une voiture et la carte de crédit à notre époque). Promesse. Importance de tenir parole. Fantasme. En regard de la fin, on peut réaliser que Belle est plus intéressée par l’animal que le beau prince, on nous montre ici un amour transgressif, proche de l’interdit (oui « une drôle de petite fille« ), ce qui n’est pas innocent pour le réalisateur qui vivait à l’époque une sexualité hors-norme (il était en couple avec Jean Marais, la Bête du film). Homosexualité. Ce besoin de faire apparaître l’amour dans une relation où il y a un monstre peut être une métaphore du rejet renvoyé par la société à ceux qui comme lui étaient dans une relation homosexuelle. Un détestable ou un monstre doit être vu pour ce qu’il a à montrer à l’intérieur.

Apparence

Importance de regarder ce qu’il y a au fond des personnes, pas seulement leur apparence (mais il a de beaux yeux) (bon n’empêche que Belle est belle et qu’à la fin la Bête deviendra beau et que le film met bien la plastique de Jean Marais en avant dans une scène où il est torse nu, et Josette Day a un moment sa poitrine mise en avant). On critique les deux sœurs habillées en princesses qui sont égoïstes et ne pensent qu’à leur apparence, mais le film joue sur ces codes avec nous aussi. Peur. Apprivoiser ses peurs face à l’apparence de l’autre.

Jalousie

On critique des sœurs qui ne pensent qu’à leur apparence, qui veulent s’amuser et avoir des biens matériels. On critique des sœurs qui sont jalouses de celle qui est gentille et qui la rabaisse (et qui deviennent bien jalouses lorsqu’elle obtient plein de richesse de la part de son amoureux). Tromperie. On critique ceux qui exploitent la naïveté, la bonté, comme les soeurs qui font croire qu’elles l’aiment pour obtenir des choses d’elle.

Relation au père

Une gentille fille doit être entièrement dévouée à son père. Belle ne veut pas se marier pour rester s’occuper de lui. Sens du sacrifice. Belle est prête à se sacrifier pour qu’il reste en liberté.

Argent

Ce qui semble très nécessaire dans ce film, ce sont les richesses, même si on nous montre qu’il ne faut pas que toute notre existence tourne autour de l’argent (le père fait du business et perd tout, les dettes du frère mettent la famille sur la paille, les sœurs ne rêvent que d’hommes riches, Avenant veut obtenir des richesses et même Belle qui est humble et ne recherche pas cela se retrouve avec des robes de princesses différentes à chaque nouvelle séquence). Moralité, vous trouverez l’argent et le bonheur si vous être humble. Soucis financiers. Le père a perdu de l’argent avec son entreprise de bateau, ils vont se faire prendre leurs biens. Différence de classe. On nous montre des personnes qui veulent vivre avec une certaine aisance, ils ont eu autrefois de l’argent, mais il veulent toujours profiter des belles choses.

La Belle et la Bête 1946

La Belle et la Bête 1946

Quête identitaire

Avec le miroir, on approche la connaissance de soi, le reflet de la personnalité ou l’évolution intérieure. Cela renvoie à ceux qui le regardent, ce qu’ils sont vraiment ou ce à quoi ils aspirent.

Force de l’homme

La femme est clairement ici montrée comme celle qui subit, ou même un objet pour l’homme (c’est celle qu’il a besoin pour se sentir heureux, mais elle n’a rien pour elle, tout ce qu’elle a provient de l’homme). Une clé pour avoir des richesses, un gant ou un cheval pour pouvoir sortir de chez elle, un miroir pour découvrir ce qui existe en dehors de sa chambre). Maitrise de soi. Un homme qui veut se marier doit savoir se maitriser, ne pas aller dans ses pulsions agressives (non ce n’est pas bien d’aller chasser les petits chevreuils et de revenir ensanglanté).

Raconter des histoires

Le générique du film nous montre un bout du processus de création et l’envie de transmettre une histoire. Retrouver son âme d’enfant. Conte. L’importance de rentrer dans une histoire avec une certaine naïveté, de se laisser remplir d’un contenu qui touche pas forcément l’intellect, mais autre chose (avec du Sésame, ouvre-toi et du Il était une fois…).

Égalité des sexes

Nous sommes loin de cela, dans ce film les femmes doivent avoir certaines qualités (générosité, franchise, honnêteté, loyauté, tolérante, belle, humble, reste à la maison et s’adapte facilement). L’homme doit être attentif à la femme, mais il a une nature sauvage et violente, c’est celui qui apporte l’argent et qui vit sur l’extérieur. « Es-tu, un homme ou une femme » renverra-t-on au frère qui ne se montre pas vraiment courageux.

Magie

On joue sur le contraste entre le monde réel et le monde féérique. Des éléments nous y amènent. Un film qui nous montre des choses magiques (d’ailleurs les méchantes soeurs se demandent un moment si elles ne devraient pas en parler à l’église). On comprend que la bête est ainsi parce que ses parents ne croyaient pas aux fées. Le château est rempli de serviteurs invisibles (on ne voit que leurs bras qui servent à tenir les lumières, habiller la Belle, et faire les différents services). On retrouve des objets magiques, importants à garder (ici, la rose, une clé en or, un gant, le miroir et un cheval blanc). Peur. L’étrange peut provoquer des sentiments de crainte, on va ici permettre de les apprivoiser. Les ombres, le noir font partie de ces choses qu’il faut ici dépasser (comme la crainte de la peur du noir). On parle un peu de Dieu, mais ce qui fait des prodiges, ce sont plutôt les fées (elles peuvent même transformer des larmes en diamants). Religion. Les sœurs ont bien conscience que la magie c’est mal, le tribunal d’église s’intéresserait aux phénomènes magiques, mais elles n’utilisent pas finalement cette menace.

La Belle et la Bête 1946

La Belle et la Bête 1946

SCÈNES DIFFICILES

Mises en danger

Quand le père cueille une rose, un monstre apparait devant lui en lui disant que ce vol mérite la mort, il lui reste 15 minutes avant de mourir, sauf s’il accepte qu’une de ses filles prenne sa place, il peut retourner chez lui, mais doit revenir s’il ne convainc personne. Belle est d’accord de remplacer son père, elle préfère être dévorée par le monstre plutôt que de mourir de chagrin devant la dépouille de son père. Elle retrouve la Bête inconsciente sur le sol, il est mourant, il lui dit que c’est trop tard, il a un visage plein de souffrance, et on le voit mourir. Avenant veut s’emparer du trésor de la Bête, il brise le dôme de verre et veut y entrer, on craint qu’il se fasse mal, car c’est très haut, il se fait tirer une flèche dans le dos par une statue, il prend l’apparence de la bête et se retrouve mort au sol.

Malaise

Avenant souhaiterait marier Belle, mais celle-ci ne veut pas quitter son père, l’homme est insistant, il la force à l’embrasser, le frère qui s’interpose reçoit un coup au visage. Les sœurs se moquent de Belle qui ne souhaite qu’un rose comme cadeau. Le bateau qui devait sauver la situation financière du père est réquisitionné par ses créanciers, il ne lui reste plus rien, il n’a même pas l’argent pour l’hôtel, il doit rentrer chez lui de nuit. Le père se perd, la musique est tendue, effet de tonnerre, doit descendre de son cheval, des feuillages s’écartent devant lui. Effet d’ombre étrange contre une porte. Des bras tiennent des lumières, il ne sait pas où il se trouve, des visages sculptures de cheminée le regarde. Il entend un rugissement qui le réveille. Il sort et découvre une biche morte au sol. Bagarre dans la famille, avec Avenant qui donne deux grosses claques à la sœur puis qui se bat avec le frère qui prend sa défense. Belle qui part au château de la Bête et quand elle le découvre, elle tombe évanouie. Elle n’a pas le droit de regarder le monstre dans les yeux. Belle semble fouiller dans le château, on voit beaucoup d’éléments qui fument, la Bête a aussi ses mains qui fument, il semble souffrir, se dirige vers la chambre de la demoiselle et y rentre, elle n’est pas contente qu’il s’y trouve, lui demande de partir, il prend l’excuse d’un cadeau qu’il voulait lui offrir, il fait plutôt pathétique. Belle entend un bruit étrange, elle le voit laper de l’eau. Elle trouve les journées longues, commence presque à apprécier de le voir au repas. Elle lui renvoie qu’à chaque fois qu’il lui demandera de l’épouser, elle lui répondra non. On sent qu’il aurait envie de laisser partir ses pulsions violentes animales lorsqu’il voit un chevreuil au loin, qu’il irait bien attaquer. Belle souffre de ne pas voir son père, elle supplie la Bête de la laisser partir. Pression affective, il lui demande de l’épouser à son retour. Il questionne la femme sur les hommes qui l’ont déjà demandé en mariage, il semble jaloux. Belle découvre la Bête ensanglantée, il fume de partout, il demande pardon d’être une bête, elle le méprise et lui demande de se nettoyer et d’aller dormir (et lui demande qu’elle ferme la porte). À cause des dettes de son fils, le père perd tous ses meubles, cela ne semble pas plus préoccuper Ludovic qui continue à fumer et jouer aux échecs avec son camarade. Belle est malade, s’inquiète pour son père qui est à la mort. La Bête donne à Belle la clé d’or, et la laisse partir, si elle ne revient pas, il mourra. Belle retrouve son père alité, qui semble mourir. Belle donne son beau collier à sa sœur, mais celui-ci devient moche. Les deux hommes veulent combattre la Bête et lui voler ses richesses, même si cela fait peur au frère, l’appât du gain les motive. Stratagème des soeurs qui se frottent les yeux avec des oignons pour lui faire croire qu’elles ne veulent pas qu’elle parte (cela va l’obliger à rester et ainsi tuer la Bête, elle trahit son serment et se fait voler sa clef d’or). On voit la bête qui caresse les draps de Belle, triste de ne plus la voir. Les deux hommes utilisent le cheval blanc pour se rendre chez la Bête. Une des soeurs voit une vieille femme dans le miroir, l’autre un singe, cela les représente. Elle se dépêche d’aller au château, mais réalise qu’elle n’a pas la clé, repart chez elle, mais réalise qu’elle a été volée. Belle avoue avoir aimé Avenant, mais qu’il ne le savait pas, et comme elle aimait la Bête, tout va bien.

Moqueries

Les deux sœurs qui ne pensent qu’à être belles et se mettre en avant sont risibles, on se moque souvent d’elles.

Maltraitance

Avenant a des vues sur Belle, il l’aime et veut l’épouser. Malgré le fait qu’il soit un chenapan qui apprécie l’argent, il va a son secours, il se fait tuer d’une flèche dans le dos, la Bête reprend son visage et tout se termine ainsi bien (sauf pour l’amoureux du départ qui se retrouve affublé de la tête monstrueuse (mais c’est finalement bien égal, vu qu’il est mort).

Santé

On voit le fils fumer la pipe (comme si c’était cool).

VOCABULAIRE

Classique. Les personnages se vousoient tous (même dans la famille).

Un beau film, en dehors des productions actuelles, avec ce qu’il faut de petites tensions pour intéresser les enfants d’aujourd’hui. On nous explique qu’il ne faut pas se fier à l’apparence, de belles personnes peuvent avoir de vilaines valeurs morales et une moche peut être belle à l’intérieur. En plus un conte, c’est fait pour parler sexualité et relation, autrement que par la parole. Après, la position de la femme a bien évolué depuis ce film, mieux vaut être un peu critique de ce côté-là.

Ce que disent les autres : Ici, la présentation du film dans un site sur Cocteau. Chez Disney, cette histoire a été très utilisée (la Belle et la BêteLe Noël enchanté, Le monde magique ainsi qu’un film avec acteurs ici. Vous pouvez trouver un film plus sombre, de 2014 sur le même conte.

 

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