Théorie : les effets d’un film sur l’enfant

L’image perçue par l’enfant est-elle réalité ou fiction ?

Quelle distance avec ce qui se passe sur l’écran ? Quelle distance avec la violence qu’il peut y découvrir ?

L’ENFANT VIT CE QU’IL VOIT SUR L’ÉCRAN, CE N’EST PAS QU’UN PASSE-TEMPS, IL SE CONSTRUIT AUSSI AVEC

« Le cinéma et la télévision ont d’abord pour fonction de réduire les tensions intrapsychiques en permettant une satisfaction des désirs refoulés. Ils déplacent notre agressivité sur des personnages qui servent de boucs émissaires. Ils ont aussi une fonction hypnotique par rapport à nos tensions réelles. « Alors que les civilisations traditionnelles constituent des systèmes de signifiants cohérents en relation avec les mythes, l’image-spectacle ne nous apporte pas de données intelligibles. Elle est un signifiant sans signifié et le spectateur doit aller à la rechercher de sa signification. Les images ne sont plus seulement cathartiques, elles peuvent créer de nouvelles tensions, de nouveaux déséquilibres. L’impression qu’elles nous donnent plus d’informations sur le monde réel est fausse, car nous ne recevons que des reconstructions fabriquées par des techniciens au service de groupes de pression » (R. Bastide L’homme en proie aux images 1967) (…)

On disait j’imagine, puis je fantasme, maintenant on dit je me fais un film dans ma tête. » 1.

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« Le dessin animé raconte une histoire avec un traitement de l’image particulier. Les caractéristiques formelles du dessin interviennent d’une part pour que le petit personnage stylisé soit à la portée du niveau de compréhension de l’enfant. S’agissant de dessins, le simulacre semble évident comme l’usage du masque dans la cérémonie du chaman ou dans la commedia dell’arte. Les caractéristiques formelles sont donc marquées par le graphisme qui , en soi, distancie la notion de réalité : c’est du dessin animé, ce n’est donc pas du vrai. Comme les marionnettes qui caricaturent les personnages, les signifiants formels du dessin animé sont en effet suffisamment présents pour maintenir, tout au long du spectacle, une démarcation entre réalité et imaginaire. Les personnages du dessin animé sont caricaturaux, et en cela ils sont facilement reconnaissables par les tout petits téléspectateurs.

Mais, à la facilitation de leur reconnaissance et à leur qualité de choses fabriquées, s’impose l’action qui les anime. L’animation, c’est le mouvement, la rapidité des déplacements des personnages, leur toute-puissance qui   défie l’espace et le temps. Par mimétisme, l’enfant au repos laisse ses signifiants kinesthésiques se faire prendre en charge par l’image pour découvrir le plaisir narcissique d’évoluer dans un univers féérique. Dans le dessin animé, c’est le plaisir de l’action qui domine, le bruitage et les dialogues sont le plus souvent secondaires. En regardant un dessin animé, l’enfant entre directement dans le monde des animaux fabuleux, des sorcières et des princesses, bref dans un monde de conte de fées. On peut remarquer que de nombreux contes traditionnels ont été adaptés sous la forme de dessins animés, mais que, par ailleurs, les succédanés modernes ont du mal à les détrôner auprès du public.

Les fantasmes que nourrissent les dessins animés sont les mêmes que ceux qui animent la vie psychique de l’enfant. Leur violence est la même que celle des contes traditionnels. Mais ce qui la différencie, c’est qu’elle est montrée et exerce alors une certaine fascination, alors que dans le conte, elle est racontée collectivement en présence des autres, par des mots. » 2.

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LA FASCINATION PAR LA VIOLENCE DES IMAGES

« Pour autant, on ne peut pas considérer que les récits violents jouent seulement un rôle cathartique pour l’enfant en lui permettant de projeter et d’écouter sa propre violence. Car lorsqu’il retrouve la réalité, l’enfant retrouve les mêmes conflits non résolus. On ne peut justifier l’usage systématique de la violence à la télévision par le fait que la vie elle-même est violente et que, par conséquent, le spectacle télévisuel aurait un rôle d’initiateur virtuel préparant l’enfant à la vie réelle. La violence télévisée fascine l’enfant qui s’y trouve captivé dès ses premiers pas. Et l’image peut-être parfois même traumatique lorsqu’elle provoque en lui des émotions qu’on ne peut mentaliser encore, faute de moyens. Enfin, certains enfants peuvent « être tentés de transposer dans le quotidien les modèles de comportements qui les ont soulagés pendant un moment, et donc de passer à l’acte » (Chombard de Lauwe M.J. et Bellan C., L’enfant de l’image, op.cit ; p.181.)

Les récits d’enfants de moyenne et de grande section à l’école maternelle recueillis au cours d’entretiens comportent une multitude de témoignages concernant la violence et la brutalité qu’exercent certaines images télévisuelles. Contrairement au jeu auquel il s’apparente, le spectacle télévisuel ne permet pas à l’enfant d’en avoir l’initiative et le soumet aux fantasmes des adultes créateurs et producteurs qui ont comme principale préoccupation de le séduire pour faire de l’audience.

Cette violence est ambiguë, car elle provoque la peur, et en même temps une certaine culpabilité de l’enfant à y trouver du plaisir, un plaisir voyeuriste, à voir réalisé ce qui lui est habituellement interdit : se battre, faire du mal, être tout-puissant, regarder des rapports sexuels, etc. La plupart du temps, les parents sont absents de l’espace de jeux et, trop souvent, ils ne peuvent pas ou ne veulent pas contrôler ce qui se passe sur le petit écran. Souvent même, ils n’imaginent même pas que de telles scènes soient traumatisantes pour l’enfant, car ils les regardent avec leurs visions d’adultes plus ou moins conscients qu’il ne s’agit que de fiction.

Un cercle vicieux s’engage alors entre l’enfant et la télévision : le « bombardement émotionnel » d’images animées violentes accroche le jeune téléspectateur, produisant la peur, l’angoisse, la culpabilité du plaisir défendu, etc., comme une sorte de viol psychique, que l’enfant projette ensuite à travers le héros, son double qui agit par petit écran interposé et qui lui permet la libération cathartique de ses affects éprouvés. La boucle est bouclée puisque le spectacle violent excite, et qu’ensuite il écoule le trop-plein d’excitation. Dans ce cas, on ne peut affirmer que l’identification à des personnages de fiction robotisée et tout-puissants soit une réussite pour l’enfant en lui permettant d’organiser ses défenses contraphobiques, car souvent c’est le visionnement du film qui est à l’origine de l’angoisse. » 3.

« L’action des contenus violents s’exerce par la voie émotionnelle. L’apparition de dessins animés nombreux, particulièrement violents et déréalisants, est un phénomène inquiétant. Ils sont réalisés en grand nombre, car la violence retient l’attention des téléspectateurs, enfant et adultes, d’ailleurs, et elle coûte peu. Un des traits qui caractérisent les émissions destinées aux enfants est la dramatisation. On vise essentiellement les affects, pour émouvoir, favoriser la participation et l’identification. La peur est une émotion fréquemment induite. Il y a des enfants terrorisés et qui sont aussi fascinés par ce qui les effraie. » 4.

« Les jeunes enfants ont un vécu de la situation télévisuelle très chargé sur le plan émotionnel. Ils s’attachent aux héros qu’ils aiment, qu’ils craignent parfois. Ces héros ont une telle présence qu’il devient difficile d’imaginer que certains sont de pures créations, des êtres de fiction. Une systématisation de ce point de vue peut amener à affirmer que tout ce qui est présenté est vrai, le héros de dessin animé est aussi vrai, par exemple, que le présentateur familier. Comme l’a dit un enfant, tout est vrai à la télé. » 5.

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QUE TROUVE-T-ON DERRIÈRE CES IMAGES « VIOLENTES »

 » Qu’est-ce qu’une image violente ?

On parle d’ « images violentes » comme si chacun savait précisément de quoi il s’agit. Or, à cette question, on peut apporter deux réponses différentes et également importantes. Tout d’abord, on peut désigner comme violente une image que la majorité d’un groupe, à un moment donné, ressent comme telle. Cette définition est nécessaire dans la mesure où elle peut guider les responsables éducatifs ou politiques dans l’attribution d’interdiction de certains spectacles aux mineurs. Mais il est essentiel d’avoir conscience qu’elle change d’un pays à l’autre, et aussi d’une époque à une autre.(…) Signaler, c’est bien. Savoir faire évoluer la signalétique avec les moeurs, c’est mieux ! La seconde définition possible d’une image violente ne concerne pas les groupes, mais les personnes. Une image est en effet ressentie comme « violente » par un spectateur lorsqu’elle le submerge d’émotions qu’il ne parvient pas à identifier et qui l’empêchent de penser. Cette seconde définition est totalement indépendante de la première, une image perçue comme anodine par la plupart des spectateurs pouvant toujours être ressentie comme violente par l’un d’entre eux. Mais elle est tout aussi importante. En effet, si la prise en compte des réactions possibles d’une majorité de spectateurs est ce qui doit guider le politique – notamment du fait des troubles de l’ordre public qui peuvent en résulter – , la réaction émotionnelle et cognitive propre à chacun est ce qui doit guider le parent, le pédagogue et l’éducateur confrontés à des enfants.

Mais peut-être le lecteur s’étonne-t-il de voir invoquer ici l’impact émotionnel des images. En effet, lorsqu’on questionne des adolescents, ou même des enfants, sur ce qu’ils éprouvent à voir des images violentes, ils répondent en général « qu’ils y sont habitués depuis qu’ils sont tout petits », que « ça ne leur fait plus rien » ou même que « c’est rigolo ». On pourrait croire alors qu’ils n’en sont pas affectés et qu’ils ont appris précocement à établir entre les images et eux une distance critique que bien des adultes pourraient leur envier. C’est parfois ce que disent certains parents pour se rassurer : les enfants seraient beaucoup plus « mûrs » que leurs aînés face aux images. Ils regarderaient les violences cinématographiques comme du « grand guignol » et n’en seraient pas dupes. Cela n’est pas totalement faux, mais ne rend compte que d’un seul aspect de l’expérience des jeunes. Revenons en effet à ce qu’ils peuvent en dire.

Si on ne se contente pas de leurs premières réponses rassurantes ou ironiques et qu’on pousse le dialogue avec eux, on s’aperçoit qu’elles sont loin de refléter l’ensemble de ce qu’ils ont éprouvé. Assez vite, les jeunes qui ont vu des images contenant des scènes de violence évoquent en effet des émotions désagréables comme l’angoisse, la peur, la colère ou encore le dégoût. En outre, non seulement les images violentes provoquent des émotions plus fortes que les images qui n’en contiennent pas, mais ces émotions sont souvent démobilisatrices et dépressives. Par exemple, les enfants disent des choses comme : « Si ça m’arrivait, je ne pourrais pas bouger, j’aurais trop peur », ou bien : « Ils sont trop forts, on ne pourrait pas se défendre », ou   même : « Je préférerais me suicider ».  (…) En quoi ces réactions sont-elles différentes de celles que les jeunes ont toujours éprouvées face aux spectacles ou aux récits qui leur sont destinés ? (…) Un enfant qui écoute un conte ou regarde un dessin animé est toujours en situation d’imaginer que l’adulte n’en est pas lui-même effrayé. Il a donc à sa disposition un moyen simple de se rassurer, c’est de s’identifier à ce qu’il imagine de cet adulte. Au contraire, l’enfant qui découvre un film de fiction ou une séquence d’actualité particulièrement pénible à la télévision ne sait pas du tout comment ses parents pourraient y réagir. Il ne lui est donc pas possible de s’appuyer sur un parent rassurant à l’intérieur de lui. C’est pourquoi il est si important qu’il trouve un interlocuteur réel avec lequel il puisse échanger ses impressions afin de prendre de la distance par rapport à ce qu’il a vu et éprouvé. » 6.

 » Quand la violence des images permet de nouer le fil d’angoisse sans visage (…) C’est d’ailleurs aussi la raison pour laquelle les enfants jeunes doivent être maintenus à l’écart de tels spectacles violents : ils n’ont pas encore pris suffisamment de distance par rapport à ces angoisses pour jouir de leurs images. S’ils voient celles-ci, ils sont envahis de terreur. Non pas qu’ils confondent ces images avec la réalité comme on le croit parfois – ils savent aussi bien que les adultes que c’est du cinéma. Mais parce que les images qu’ils voient, au lien de leur permettre de prendre plus de distance vis-à-vis de leurs images intérieures comme chez l’adulte, réduisent au contraire leur pouvoir de contrôler celles-ci. Bref, ce qui les terrifie, c’est leurs images du dedans à un moment où ils cherchaient au contraire à les enfouir au plus profond pour établir d’autres formes de relation avec le monde. » 7.

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« Un enfant qui ne quitte pas des yeux un écran ne prouve pas son attention à ce qui s’y déroule. Être attentif signifie que la pensée propre continue à fonctionner sans entrave face au spectacle que l’on a sous les yeux. La fascination, c’est autre chose. C’est   être dans l’impossibilité de quitter du regard ce que l’on voit, d’être en sorte happé par l’image qui exerce sur le psychisme une emprise pouvant se répercuter sur le physique. Certaines images se succédant en abondance génèrent de l’excitation. Déjà, confronté à l’incompréhensible, l’enfant s’agite. Mais des visions de violence ou de sexe prennent une portée déterminante sur n’importe quel spectateur. Parfois, seules des allusions répétitives suffisent pour provoquer une tension. Les films à connotation sexuelle suggérée en sont un exemple probant chez les adolescents.

La tension provient du décalage entre le contenu de la scène montrée et la capacité à traiter l’information. Submergé, le psychisme se trouve dans l’impossibilité de relier ce qu’il perçoit avec son vécu propre. Effet traumatique incontestable, c’est-à-dire une impossibilité de penser sur le perçu. Avec la répétition de cet effet, se forme un « trou » dans la pensée et le corps prend la place de celle-ci afin   de la soulager : gesticulations, cris… en témoignent. Prenons l’exemple de scènes de violence, ou du moins de la perception qu’en ont les enfants, dans certaines fictions qui leur sont proposées – les films d’animation n’en sont malheureusement pas exclus. D’évidentes réactions corporelles vont peut-être se manifester. L’enfant va s’agiter, se réfugier derrière son siège ou fuir à l’autre bout de la pièce.

Les manifestations « non bruyantes » se révèlent au moins aussi graves. Elles ont tendance à clouer sur place et inhibent autant le corps que la pensée. En l’absence de décharge physique pouvant la soulager, la tension atteint alors son maximum. Seuls les parents présents et sensibles aux réactions de l’enfant peuvent avoir conscience de ce phénomène. L’enfant est comme hypnotisé et ne participe plus à ce qu’il voit sur l’écran.

L’enfant attentif à un tout autre comportement. Il signale sa participation par des émotions exprimées de façon adéquate. Plus grand, quand il maîtrise le langage, il joue instinctivement le jeu de l’interactivité. Il anticipe la péripétie à venir, propose des hypothèses. On le constate avec les aventures, tels les contes merveilleux, construites avec un déroulement dans le temps : le héros franchit des épreuves qui malgré leur difficulté et la crainte qu’elles suscitent font progresser les scénarios vers un dénouement espéré ou pour le moins supportable. » 8.

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Pour approfondir la question de la violence,

«  LA CAPACITÉ DU SPECTATEUR D’APPRIVOISER LES IMAGES

(…) Nous envisageons maintenant le rôle joué par la capacité de chaque spectateur à pouvoir « contenir » et « transformer » mentalement l’impact des images sur lui. Les émotions éprouvées par le spectateur des images sont en effet exactement semblables à celle qu’il éprouve dans la vie réelle, comme l’angoisse, la peur, la colère, le dégoût, la rage, la gêne ou la séduction. Le problème est que la manière dont il est appelé à gérer ces émotions est bien différente selon qu’il les éprouve dans des situations de la vie réelle ou face à des images ! Éprouvées dans des situations de la vie réelle, ces émotions sont mobilisées au service d’actions destinées à y répondre. Au contraire, éprouvées face à des spectacles de fiction, elles n’appellent rien d’autre de la part de leurs spectateurs que de les domestiquer de manière à les faire servir à leur seul plaisir. Cette attitude ne va pas de soi et nécessite un apprentissage. L’enfant le réalise dans ses jeux. C’est là qu’il apprend à gérer des émotions dont il sait qu’elles ne concernent pas la vie réelle, mais qu’il éprouve pourtant avec autant d’intensité que si elles se rapportaient à celle-ci. Et c’est là aussi qu’il met en place progressivement la capacité de déplacer des émotions qu’il éprouve dans des situations réelles qu’il ne maîtrise pas vers des situations ludiques qu’il maîtrise. Cet apprentissage, parce qu’il est complexe, nécessite plusieurs étapes successives.

L’enfant petit confronté à des images qui suscitent en lui des charges émotionnelles intenses n’est pas tout à fait dans une situation de jeu, puisqu’il ne contrôle pas la situation, mais il n’est pas non plus tout à fait dans une situation de la vie réelle. Il fait bien cette distinction et n’est pas menacé, comme on le croit parfois, de confondre les images qu’il voit avec la « réalité ». En revanche, la compréhension qu’il a de cette distinction ne lui permet pas de transformer automatiquement les émotions qu’il éprouve en source de plaisir. Toute excitation intense qui menace d’envahir et de déborder la personnalité est en effet perçue comme une menace, et l’enfant doit donc apprendre d’abord à la circonscrire et à la maîtriser, bref, à la « contenir ».

Au début, ne sachant pas encore très bien comment s’y prendre, l’enfant adopte vis-à-vis des images la même attitude que celle qu’il aurait vis-à-vis d’une situation réelle génératrice des mêmes émotions il tente de la fuir physiquement ! Ce n’est pas, encore une fois, parce qu’il confond la réalité et la fiction, mais parce qu’il n’a pas encore découvert d’autre moyen. Par exemple, s’il va se cacher lorsque la télévision montre des scènes de coups de feu, ce n’est pas pour mettre son corps à l’abri de dangers auxquels il ne croit pas (il sait bien que les images ne le menacent pas), mais pour tenter de parer, avec les ressources de sa motricité, aux risques d’un débordement sensoriel et émotionnel incontrôlable (…) (l’auteur parle ensuite d’une situation vécue avec son fils). Il était donc bien engagé à ce moment-là dans une situation d’apprentissage, mais celle-ci ne portait pas sur la distinction entre réalité et fiction qu’il avait parfaitement intériorisée. Elle portait sur sa capacité à pouvoir « contenir », limiter et maîtriser l’impact émotionnel des images sur lui. Et, pour y parvenir, il avait provisoirement recours à une sorte de « pare-excitation » concrète, représentée par la porte entrebâillée de sa chambre, avant de parvenir à « intérioriser » cette fonction en l’installant à l’intérieur de lui.

À partir de sept ou huit ans, les cadres psychiques qui permettent de « contenir » les images sont en principe constitués. Mais certains enfants ont encore besoin de s’appuyer sur des artifices matériel et moteurs face à des images particulièrement violentes. Par exemple, ils détournent la tête de côté alors qu’il leur suffirait de fermer les yeux pour ne pas les voir. Et quand on les observe, on s’aperçoit qu’ils font en fait exactement comme mon fils face aux images de western qui lui faisaient si peur : ils regardent latéralement, par des coups d’oeil rapides, tout en tournant en même temps la tête comme s’ils ne voulaient pas voir. Ce comportement est pour eux une façon d’apprivoiser la situation progressivement en s’appuyant sur des gestes et des attitudes pour ne prendre des images violentes que ce qu’ils savent pouvoir en gérer au moment où ils les regardent. La différence est qu’à onze ou treize ans, on ne quitte plus son siège pour se réfugier derrière. » 8.

 » Le jour où, dans chaque famille, on allumera le soir le poste de télévision en se disant : « Voyons ce que la télé a choisi de nous montrer aujourd’hui et jouons ensemble à comprendre comment elle a choisi de le faire », la résolution du problème des images aura fait un grand pas en avant ! Ce n’est pas une utopie, c’est la condition de notre liberté face à elles. » 9.

« La crise des relations familiales et celle des images pourraient bien alors détenir chacune la réponse à l’autre. Créer des liens autour des images, notamment en parlant d’elles en famille – et même si c’est pour les interdire -, permettra de développer chez les tout-petits une nouvelle attitude face à elles qui leur sera de plus en plus nécessaire dans leur vie d’adultes : et, inversement, les images commentées en famille deviendront une nouvelle nourriture de la vie familiale, au carrefour des préoccupations différentes de chacun.«  10.

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UNE ÉTUDE POUR MONTRER QUE LES PRODUCTIONS POUR LES ENFANTS ONT UNE CERTAINE FORME DE VIOLENCE

Ian Colman et ses collègues ont réalisé une étude qui met en avant le risque de décès élevés dans ces films pourtant pensés pour les enfants. Ici, sur le site du Monde, un article en français. Ici, sur Radio-Canada, une présentation avec moments d’entretiens. Ici, la présentation plus complète en anglais.

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POUR CONTINUER LA QUESTION SUR INTERNET

Ici, vous trouverez sur le site de l’Express, différents articles autour des problèmes engendrés par les écrans.

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1. « L’enfant au siècle des images ». Claude Allard édition Albin Michel 2000 p.84

2. « L’enfant au siècle des images ». Claude Allard édition Albin Michel 2000 p.112

3. « L’enfant au siècle des images ». Claude Allard. Albin Michel, Paris, 2000 p.228

4. « Des enfances volées par la télévision ». Liliane Lurçat. François-Xavier de Guibert 2004 p. 144

5. « Le jeune enfant devant les apparences télévisuelles ». Liliane Lurçat. Édition épi Desclée de Brouwer 1984

6. « Les bienfaits de l’image ». Serge Tisseron. Odile Jacob, paris 2002 p.47

7. « Les bienfaits de l’image ». Serge Tisseron. Odile Jacob, paris 2002 p.70

8. « Psychanalyse des dessins animés ». Geneviève Djénati. L’Archipel, Paris, 2001 p.40

9. « Les bienfaits de l’image ». Serge Tisseron. Odile Jacob, paris 2002 p.86

10. « Les bienfaits de l’image ». Serge Tisseron. Odile Jacob, paris 2002 p.101

11. « Les bienfaits de l’image ». Serge Tisseron. Odile Jacob, paris 2002 p.248